Par un arrêt du 19 avril 2018, la Cour de justice de l’Union européenne a jugé que les agents commerciaux ont droit aux indemnités et réparations prévues même si la cessation du contrat d’agence intervient au cours de la période d’essai. Cette décision remet en cause une jurisprudence constante de la chambre commerciale de la Cour de cassation selon laquelle l’agent commercial perd son droit à indemnisation en cas de rupture du contrat pendant la période d’essai.
Le principe : l’agent ne peut prétendre à une indemnité compensatrice du préjudice subi en cas de rupture du contrat pendant la période d’essai.
Depuis une décision de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 17 juillet 2001, récemment confirmée, il est possible d’insérer dans un contrat d’agent commercial une période d’essai. Mais en cas de rupture par le mandant pendant cette période, l’agent ne peut prétendre à une indemnité compensatrice du préjudice subi.
La jurisprudence motive toujours son refus d’indemnisation selon le même attendu, à savoir que « le statut des agents commerciaux, qui suppose pour son application que la convention soit définitivement conclue, n’interdit pas une période d’essai ».
Dans l’arrêt commenté, le raisonnement de la Cour est le suivant : pendant la période d’essai, le contrat d’agence commerciale n’est pas définitivement conclu. Il en résulterait, selon la Haute juridiction, que le statut d’agent commercial ne serait pas applicable durant cette période. Par conséquent, l’agent ne pourrait pas revendiquer le bénéfice de l’indemnité de fin de contrat.
Or, ce raisonnement est critiqué par une grande partie de la doctrine, qui décrie l’absence de justification juridique d’une telle postulation allant à l’encontre du caractère d’ordre public du statut d’agent commercial.
Les perspectives : une interprétation moins restrictive des activités de négociation.
En réponse à la question préjudicielle posée le 6 décembre 2016 par la Cour de cassation, la Cour de justice de l’Union européenne a conclu que, concernant l’insertion d’une période d’essai, « il y a lieu de considérer qu’une telle stipulation, qui relève de la liberté contractuelle des parties au contrat d’agence commerciale, n’est pas en soi interdite par [la] directive [du 18 décembre 1986] » (relative à la coordination des droits des Etats membres concernant les agents commerciaux indépendants).
La Cour a indiqué que le maintien de l’indemnité en période d’essai était notamment corroboré par l’objectif de protection de l’agent poursuivi par la directive de 1986.
Plus encore, ce même objectif de protection pourrait à l’avenir imposer une interprétation moins restrictive de la condition d’exercice d’une activité de négociation. La jurisprudence pourrait substituer le pouvoir de négocier le principe de la conclusion du contrat à celui de son contenu.
En revanche, la demande d’une question préjudicielle sur ce point n’a jamais été acceptée. L’arrêt du 19 avril 2018 en démontre la nécessité avec plus encore de pertinence.
Marie Frisch et Michel Laval